29 janvier 2006
7
29
/01
/janvier
/2006
22:32
LE MANUSCRIT DE PORT EBENE
Extrait p 141
La lecture doit être tonique et bienfaisante, comme le Glenfiddish elle doit diffuser dans l’esprit, dans le corps, d’infimes et revigorantes parcelles de consolation et d’amitié. Tel était du moins le point de vue de Jean Camus. Aucun malheur, aucun remords, aucun spleen, aucun stress qu’il n’eût personnellement éprouvé n’avait résisté à l’action conjuguée d’un livre et d’un bon whisky.
Extrait p158
Le goût des livres allait de pair avec son esprit fugueur. C’étaient ses premiers voyages et ses premières évasions. Ses parents ne lisaient pas. Mais quand lui lisait, ils respectaient sa lecture, ils ne venaient jamais le déranger. Ce sentiment d’une activité protégée lui plaisait toujours autant. Jean Camus associait la lecture au bien-être et à la paix. Les livres lui avaient ouvert les portes d’un monde plus riche, plus harmonieux que le sien. Grâce à eux, il avait noué les amitiés les plus solides de sa vie, que le temps s’était montré incapable d’user ou de démentir, comme avec Stendhal ou Paul-Jean Toulet. Il y comptait des consolateurs de premier plan (Sacha Guitry, Marcel Aymé), dont la belle humeur est contagieuse et peut métamorphoser en comédie l’univers le plus morne, enfin quelques admirations éperdues parmi lesquelles Montaigne était au zénith. Il était redevable à l’auteur des Essais de sa philosophie de sceptique jouisseur, et trouvait qu’on n’était jamais allé aussi loin dans l’art de se concilier la vie.